Cet article se veut être une présentation succincte et générale de la Capoeira à travers son histoire et ses multiples formes qu’on lui connaît aujourd’hui. La Capoeira est une activité physique ultra-complète et bien plus que cela. Elle est le produit d’un fabuleux brassage ethnique et culturel survenu sur le sol brésilien depuis plus de 400 ans.

En effet, l’histoire de la Capoeira, est étroitement liée à celle du Brésil. Les esclaves africains amenèrent avec eux leurs rites et coutumes en marge des plantations des colons européens, principalement portugais. Très vite, les esclaves développèrent cette lutte qui leur permettrait plus tard de s’émanciper. Lorsque leurs maîtres blancs et autres capitão do mato arrivaient, ils déguisaient leurs combats en danses.

Le mot capoeira a plusieurs origines possibles. En portugais du Portugal, il signifie basse-cour ou correspond au large panier dans lequel on mettait les volailles. Au Brésil, la capoeira est un type de végétation présente dans certaines clairières. On pense donc que par capoeira, les escales désignaient certaines zones de la forêt où ils pouvaient pratiquer leur art car l’herbe était basse et ils étaient à l’abri des regards. Cette origine étymologique semble correcte même si des linguistes recherchent plutôt dans les dialectes des pays alors fournisseurs d’esclaves et (aujourd’hui l’Angola, le Soudan, la Guinée, le Bénin, le Mozambique, etc.).

La plupart des archives ont été brûlées et seul un relevé de police de Rio en 1789 témoigne de l’existence prohibée de la Capoeira avant le XIXe siècle. Cependant, on sait que son apparition est antérieure tout comme l’émergence du Moringue dans les colonies de l’Océan Indien qui est un art martial analogue à la Capoeira, utilisant des rythmes venus d’Afrique et des mouvements et déplacements inspirés des animaux. On trouve d’ailleurs des pratiques similaires aux Antilles qui sont également des symboles de la résistance durant l'esclavage. Comme pour la Capoeira, il est d’avantage question d'agilité, de grâce, et d'habileté que de force.

La Capoeira se distingue par son essor plus important, sans doute grâce à la taille du Brésil et à la diversité des populations immigrantes et indigènes . De son berceau à Salvador de Bahia, elle se propage dans tous les recoins du pays et subit de nombreuses mutations. Après l’abolition de l’esclavage, beaucoup d’esclaves désoeuvrés forment alors des gangs appelés capoeiras. La Capoeira n’a alors pas bonne presse car associée à ces activités criminelles. Pour échapper à la police, les capoeristes se donnent des apelidos (surnoms) brouillant facilement les pistes. Aujourd’hui, lorsqu’un élève est « baptisé » , il se voit attribuer un apelido reflétant en général sa manière de jouer ou d’être. On peut changer plusieurs fois de surnom au cours de sa vie de capoeiriste.

Au début du XXe siècle que la Capoeira se scinde en deux grandes familles. Mestre Bimba (1899-1974) fonde la Luta Regional Bahiana qui deviendra plus tard la Capoeira dite « régionale » en introduisant beaucoup de techniques martiales dont celles du Batuque mais également des coups pieds issus d’autres arts martiaux tels que la Savate, le Karaté et bien d’autres. Il fonde également sa propre académie en 1932 et introduit le port du pantalon blanc. En 1937, grâce à une démonstration donnée devant le président Vargas, il obtient la reconnaissance officielle de la Capoeira Regional . Les méthodes et « séquences » du « père de la Capoeira moderne » sont toujours enseignées de par le monde. Mestre Pastinha (1889-1981), contemporain de Bimba, est l’autre maître de référence de la Capoeira. Fils d’un Espagnol, il a quant à lui voulu préserver la Capoeira traditionnelle dite « Angola » en hommage au principal pays de provenance des esclaves. D’apparence plus lente que la régionale, la Capoeira Angola est jouée à toutes les cadences et des accélérations peuvent être fatales. On peut dire, en revanche, qu’elle se pratique en général plus près du sol et du partenaire.

La base commune est la ginga. C’est un mouvement de balancier : les jambes se décalent alternativement vers l’arrière et les bras, synchronisés, viennent se placer en protection des cotes . C’est cela qui donne à la Capoeira son aspect dansé et qui permet de dissimuler l’apparition de mouvements rotatifs, de « descendre » facilement au sol, et d’esquiver en se déplaçant. Le reste est une succession d’attaques, de défenses et de contre-attaques, un jeu de questions-réponses. On mémorise des enchaînements de plus en plus difficiles et complexes grâce à une capacité d'observation et une attention accrue. Les mouvements sont des mots et la roda (la ronde) est un match d'improvisation! Le rapport à l'endurance, à la tolérance envers l'autre, l'humour, la ruse et la malice sont des notions très importantes. Elles ne peuvent être véritablement enseignées mais surviennent avec l’expérience alors que le capoeiriste évolue, capable de changer de personnalité à chaque phase de jeu pour surprendre les autres.

La musique est également un aspect essentiel et impose le tempo et le style de jeu selon les rythmes joués au berimbau . L’orchestre de la roda appelé bateria est généralement composé de trois berimbaus (grave, médium, et aigu), deux pandeiros et d’un atabaque . Certains groupes y incorporent d’autres percussions. Les chants décrivent, le quotidien, la vie des esclaves, et rendent hommage à des grands maîtres. Il est important d’apprendre à jouer les instruments, chanter, parler le portugais (être capable d'inviter des brésiliens et traduire leur leçons à ses élèves par exemple). En bref, il faut être complet et savoir animer une roda. Lorsque les instruments sont bien joués, que les participants forment un beau cercle et chantent tous ensemble, le « groove » s'installe au sein de la roda. Tout le monde est en phase et entre dans une sorte de résonance enivrante et communicative. Les deux personnes au centre captent cette « énergie » et se sentent portées et même transcendés. Il faut cependant être capable de maîtriser ses émotions pour ne pas transformer sa montée d’adrénaline en agressivité engendrant danger et blessures.



La roda est une représentation miniature de la société. Le capoeiriste apprend à évoluer dans la roda comme l'homme apprend à évoluer au sein de la société. Autrement dit, on est capoeriste même une fois sortie de l'entraînement! Lorsqu'on traverse la route, le balayage furtif de gauche à droite n'est plus tout à fait le même, on anticipe mieux, on est toujours sur ses gardes, prêt pour l'esquive le cas échéant. Mon professeur nous a expliqué que tout ce qui peut lui arriver dans la vie c’est déjà passé dans la roda et que désormais rien ne peut vraiment le faire « tomber ». Certes, il « tombe » parfois à la suite de mauvaises nouvelles mais, comme au sein de la roda, il se relève et continue son chemin, son combat. Comme de nombreux arts martiaux, la Capoeira prend alors une dimension philosophique et peut permettre à ses pratiquants de « grandir » et s’épanouir dans leur vie.

La Capoeira n'est pas une religion et même si ils en ont parfois les traits, les groupes ne sont pas des sectes. Les croyances sont très présentes au Brésil et cela se ressent dans la Capoeira et ses chants mais il est tout à fait possible de pratiquer avec engouement en étant athée. La capoeira est ce qu’on en fait. Pour certains, il s’agit d’un sport ou d’un loisir, pour d’autres elle est devenue prépondérante, quasi vitale. Certains n’y voient qu’une succession de coups de pieds et d’acrobaties sur les mains alors que d’autres s’intéressent à tous les aspects associés à la culture brésilienne (Danses afro-brésiliennes et amérindiennes, Maculelê, Samba, Forró, Bossa Nova, etc.)

Avec le temps, et la structuration des groupes, la médiatisation et les demandes de démonstrations, la Capoeira moderne que l’on appelle « régionale stylisée » ou « contemporaine » incorpore de plus en plus de mouvements acrobatiques. Mais seuls les meilleurs capoeiristes parviennent à les intégrer dans le jeu. A partir de 1970, on a vu apparaître des systèmes de graduation (cordes de couleurs, comme les ceintures de Judo ou de Karaté) propres à chaque groupe. La mondialisation de la Capoeira a commencé dès les années 80 aux Etats-Unis et en Europe. De grands groupes internationaux ont pour mission de développer cet art dans le plus grand nombre de pays, en envoyant des professeurs et maîtres, véritables interfaces entre le siège du groupe au Brésil et les élèves qu'ils forment. La Capoeira continue donc son évolution (conjuguée à chaque culture) et des pratiquants « non-brésiliens » deviennent instructeurs, professeurs, et bientôt maîtres !

La Capoeira est accessible à tous. Il n’est pas indispensable d’être très souple même si cela est un atout. À l’instar des danses (contemporaines, africaines, hip hop), chacun fait au maximum de ses capacités physiques mais aussi mentales et musicales. Elle permet de se retrouver avec des gens de tous milieux socioculturels, à égalité. Le seul moyen de se distinguer est de s'entraîner plus et d'utiliser sa personnalité. Comme le dit Mestre Barrão dans une chanson : « la Capoeira est lutte et danse, elle est art et magie ».

Julien Girard (alias MacGyver)

Références et compléments d’information

http://www.capoeira-palmares.fr http://en.wikipedia.org/wiki/Capoeira (plus complet en anglais) http://en.wikipedia.org/wiki/Brazil http://www.africawrites.com

capoeira-France.com , référence francophone de la Capoeira avec infos, articles, forum, DVDs, et liste à jour des associations et académies dans tous les départements !

Je remercie également le professeur Luciano (Escola de Capoeira União, Lyon) qui m’a également transmis beaucoup de connaissances.